leave before you love me (@Elijah Fowler)

[ outfit ] L’adaptation est moins difficile qu’elle le pensait. Qu’elle le craignait. Elle se souvient de Bristol, Gia. Elle se souvient du mal du pays, à l’époque. Elle se souvient avoir eu besoin d’un petit temps pour s’habituer, connaître le coin, l’apprécier. Pourtant, elle était terriblement heureuse d’être en Angleterre – et pour rien au monde, elle ne serait revenue en arrière. Parce qu’à ce jour, cela reste la plus belle année de sa vie – la meilleure, aussi. Ç’a été une grande aventure, qui l’a amenée à découvrir des tonnes de choses, à ressentir des tas de sentiments différents. Même ceux qu’elle ne s’avoue pas vraiment, même après tout ce temps. Non, Bristol, la première année, c’était merveilleux. Les suivantes aussi, mais ce n’était pas la même chose. Son cœur ne battait pas aussi fort, elle ne ressentait plus le même frisson, plus la même adrénaline. Cela lui a même manqué. Elle a l’impression que, depuis, elle n’a pas arrêté de le chercher. Mais tout était si fort, cette année-là. Si intense. Elle y pense encore, parfois, Gia. Dans le fond, c’est peut-être ce qui lui a donné envie de revenir. Il y avait d’autres choses, évidemment, aussi. Mais surtout, les souvenirs.

Weymouth, c’est plus simple.
Sans doute parce qu’elle vit en Angleterre depuis quelques années, déjà. Parce qu’elle est plus âgée, parce qu’elle a trouvé ses petites habitudes dans ce pays, parce qu’elle y a des amis. Pourtant, à Weymouth, en arrivant, elle n’avait personne, Gia. Mais cela ne lui a pas fait peur. Elle a vite trouvé les endroits à fréquenter, repéré le club de jazz ou encore, le bar dansant, qui a son petit charme. Elle s’est fait déjà quelques connaissances, qu’elle n’ose pas encore appeler amis. Mais cela viendra ; elle en est convaincue.
Pour le moment, en tout cas, elle ne se sent pas trop seule ici, Gia. Elle aurait pu rejoindre une colocation – y songe encore, parfois – histoire de se lier avec d’autres personnes, comme elle l’avait fait, à Bristol, il y a sept ans de cela. Mais elle apprécie étrangement la douceur, le calme, de la solitude. Peut-être que parfois, cela ne peut pas faire de mal. Et puis, elle n’est pas tout à fait seule, Giorgia : il y a aussi, son chat.

Au boulot, cela se passe bien. Elle s’est liée rapidement aux autres. Elle semble satisfaire ses supérieurs. N’en est désormais plus à son coup d’essai, peut-être.
Aujourd’hui, c’est un autre événement dont elle s’est organisée. Un petit truc pour le personnel d’une grande boîte d’architecture, en ville. Son cerveau n’a pas fait le rapprochement. Peut-être parce qu’elle refuse d’être si bête, de se poser des questions sur Elijah, sur l’endroit où il se trouve, refuse de stalker son compte Instagram. Elle est peut-être trop dans le déni, alors. Comme il y a sept ans, encore. Bref – elle a donc organisé ce petit événement, coordonné l’ensemble, choisi le traiteur, vu avec le patron pour un discours, ce genre de choses. La routine, en somme. Et cela s’est bien passé, tout le monde paraît satisfait. Gia, elle, elle est restée au fond de la salle, près du traiteur, s’assurant qu’il ne manquait de rien. Discutant, malgré tout, de temps à autre, avec quelques personnes présentes. Jusqu’à ce qu’elle bouscule quelqu’un, par mégarde – c’est qu’un attroupement s’est formé, près du buffet. Gia, elle rattrape de justesse son verre de vin, avant que le contenu ne se déverse sur sa robe. « Pardon, je suis désolée ! » s’exclame, aussitôt, en se retournant pour adresser un sourire confus à la personne malencontreusement dérangée. Et là, elle a un peu l’impression d’être coincée dans l’un de ces films, à la con. Pourtant, c’est bien Elijah face auquel elle se retrouve, Elijah Fowler lui-même qu’elle a bousculé sans s’en rendre compte. Il faut croire que le hasard fait toujours bien les choses. Bien ? Elle ignore si c’est une bonne chose, dans ce cas-là. « Elijah ? » Tout son étonnement transparaît, dans sa voix. Dans son regard. A l’entendre, on comprend qu’elle-même peine à y croire.
Et pourtant.

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(outfit) Il y avait des moments où il avait l’impression d’être complètement perdu dans sa vie, Elijah. Il ne savait plus où il en était avec Louie, se posait trop de questions sur leur avenir ensemble, sur leur volonté d’avoir un enfant tous les deux. Est-ce que les échecs qu’ils essuyaient n’étaient pas la preuve qu’ils devaient laisser tomber ce plan ? Il n’avait pas envie d’abandonner le brun. Il avait envie d’avoir un enfant et maintenant qu’il avait dépassé la trentaine fatidique, il avait l’impression que c’était de plus en plus pressant, parce qu’il ne voulait pas les avoir trop tard, parce qu’il en voudrait peut-être plusieurs. Il n’en savait rien, mais les questions se multipliaient dans sa tête. Il avait l’impression que les choses entre lui et Louie n’étaient plus comme avant. Tellement différentes que, malgré la bague de fiançailles achetée depuis un moment maintenant, il n’avait pas osé poser le genou à terre pour lui faire sa grande demande. Il se posait aussi des questions sur sa carrière, certain de ne pas être là où il devrait être, mais trop effrayé par le fait de tout recommencer et de risquer de tout perdre, pour oser se lancer dans quelque chose de nouveau. Il avait un boulot dans une boîte qui lui offrait un excellent salaire. Parfait s’il devait avoir un enfant et il voulait un enfant, alors encore une bonne raison de ne pas quitter son job.

Il ne savait plus quoi faire de sa vie, Elijah, alors il avait tendance à se laisser porter par cette dernière, sans jamais rien faire pour y changer quoi que ce soit. Avancer dans ses habitudes, ne jamais prendre de risques. Il s’était habitué à sa routine le brun et ça lui convenait comme ça, ou du moins, il préférait ça aux gros changements.Métro, boulot, dodo. Quand il y repensait, il se disait que ce n’était pas ce dont il avait rêvé quelques années plus tôt. Mieux valait ne pas penser au passé non plus. Ne pas penser au passé, ne pas penser au futur. Continuer sa vie. Exactement ce qu’il faisait, Elijah. Alors il était allé à cette soirée, organisée pour la boite dans laquelle il travaillait. Encore un contrat signé pour un nouveau building à construire en ville. Hôtel de luxe qui allait coûter une blinde et envahir le paysage. Il n’avait pas forcément envie de fêter ça le brun, mais il était quand même là, à prétendre se réjouir de ce gros contrat. Il s’était dirigé vers le buffet, histoire de grignoter un peu, mais y avait pas mal de monde par là-bas et il n’avait pas eu le temps d’arriver à bon port qu’on lui était rentré dedans - ou qu’il était rentré dans quelqu’un, question de point de vue. « C’est pas … » Il commença à répondre, coupé dans sa phrase alors qu’il reconnaissait la personne en face de lui. Gia. Des années qu’il ne l’avait pas vue. Son passé qui lui revenait en plein visage et qui lui faisait l’effet d’une claque. « Grave … » Il termina sa phrase, comme si c’était important. « Oui, oui, c’est moi. » Il répondit, un peu confus par ses retrouvailles inattendues. La dernière fois qu’il l’avait vue, elle repartait pour l’Italie. « Waw, ça fait une éternité. » Sept ans, ou quelque chose s’en approchant, il n’était pas sûr du calcul, ça remontait tellement. « Comment tu vas ? Qu’est-ce que tu fais ici ? » Il avait pas mal de questions à poser Eli, et sans doute qu’il aurait pu se contenter d’une question à la fois, mais c’était sorti bien trop vite. C’était déjà pas mal qu’il ait réussi à s’arrêter à seulement deux questions.

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Elle aime beaucoup Weymouth, Gia. C’est différent de Bristol, et plus encore de Bari. Mais elle, elle aime les défis. Elle n’a jamais été du genre à se brider, surtout pas lorsque sa carrière était en jeu. Elle s’est envolée pour l’Angleterre quand elle n’avait que vingt ans, non seulement parce qu’elle rêvait de voyager, de découvrir ce pays, mais aussi parce que cela serait toujours un plus sur son CV. A l’époque, elle ne savait pas, Gia, qu’elle y reviendrait, y resterait. Qu’elle ferait sa vie là, un peu plus au nord-ouest du pays où elle était née et où elle avait grandi. Elle ne sait même pas si elle restera là toute sa vie – qui sait, la vie, justement, est pleine d’imprévus. Mais aujourd’hui, c’est ici qu’elle se trouve, ici qu’elle se retrouve à vivre : dans une station balnéaire au charme certain, sur la côte anglaise. Et elle ne le regrette pas. Cela fait quelques mois, à présent, qu’elle est arrivée, Gia, et elle commence à trouver ses marques. A rencontrer des gens, à se faire des amis, à repérer ses endroits préférés. Elle commence, simplement, à se sentir chez elle, à Weymouth.

Le boulot aide. Le boulot la maintient occupée. Le boulot la fait bouger. Voir du monde, en rencontrer. Et puis, cela la conduit à repérer des lieux où organiser des événements, quand les entreprises ne disposent pas de salle ou d’espace dédié à ces derniers. Et elle adore son travail, Gia. Dans le fond, elle pourrait bien le faire en Italie – mais elle ne regrette rien. Sa vie, elle est là, maintenant, et depuis quelques années déjà. A quoi bon retourner à Bari – ou bien, ailleurs en Italie ? Elle ne sait pas trop ce qui l’attendrait, là-bas. Excepté les reproches et les commentaires des siens, pour des choses qui se sont passées il y a des années de cela.
Bref – Weymouth, pour le moment, lui convient très bien. Elle aime la vie paisible qu’elle y mène, elle aime les projets sur lesquels elle travaille. Ce soir ne fait pas exception à la règle, quoiqu’elle ait ses propres opinions sur les activités de cette boîte d’architecture. Mais on ne lui demande pas son avis, de toute façon – simplement d’organiser l’événement, qui a lieu pour célébrer la construction d’un nouvel hôtel de luxe, comme s’il n’y en avait déjà pas assez dans le coin. Alors elle l’a organisé, Gia, et elle est plutôt contente du résultat. Tout semble se dérouler sur des roulettes. Elle peut donc se détendre, se servir un verre – c’est d’ailleurs ce qu’elle vient de faire. Mais voilà qu’elle bouscule quelqu’un, la brune. Aussitôt, elle s’excuse ; puis le reconnaît. Même après toutes ces années. Il n’a pas complètement changé. Un peu quand même, évidemment. La dernière fois, il devait avoir vingt-trois ou vingt-quatre ans. Maintenant, il doit avoir atteint la trentaine ou n’en être plus très loin – alors évidemment qu’il a un peu changé, Elijah. Le voir la déstabilise, et cela semble d’ailleurs réciproque, vu comme il interrompt sa phrase. Elle ose l’appeler par son prénom, et il confirme que c’est bien lui, quand bien même elle n’en doutait pas. Impossible d’en douter. S’ils s’étaient connus plus jeunes encore, peut-être. « Sept-huit ans ? » répond-elle, quand il souligne le fait que cela fait une éternité qu’ils ne se sont pas vus. Oui, ce doit être quelque chose comme cela. A vrai dire, elle s’en souvient beaucoup trop bien, Gia – mais elle s’est sentie comme obligée de marquer l’hésitation. Evidemment qu’elle ne l’a pas oublié, Elijah. Peu importe que cela n’ait pas été sérieux. Peu importe ce qu’ils ont pu prétendre à l’époque. Lui, il a marqué sa vie. Plus qu’il ne l’imagine, sans doute. « Je vais plutôt bien. Toi ? » Pas le moment d’entrer dans les détails. Elle a l’impression que cette question n’appelle jamais vraiment de grande précision. « Je suis de la boîte d’événementiel. C’est moi qui ai organisé cette soirée. » Voilà ce qu’elle fait de sa vie, désormais. Quand ils se sont connus, son avenir professionnel était encore assez flou. Elle cherchait un peu sa voie, Gia, comme n’importe qui à cet âge-là. « J’ai pas besoin de te poser la question, je crois que j’ai la réponse. » ajoute-t-elle, sourire en coin, amusée. Lui, il y a sept ans de cela, il voulait devenir architecte. Il était même plutôt bien parti pour l’être. Elle est contente de voir qu’il n’a pas lâché son rêve. « Mais j’avoue que… j’te voyais pas vraiment dans ce genre de boîte. » Elle est directe, toujours. S’amuse quand même, un peu. S’amuse toujours, au fond. Et avec Elijah, à l’époque, ils s’amusaient beaucoup, aussi. Dans tous les sens du terme. Assez pour que le revoir, après toutes ces années, lui fasse un certain effet.

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Il avait déjà l’impression d’être constamment coincé au boulot Elijah. Job qu’il faisait sans vraiment y prendre de plaisir. Métier de ses rêves sur le papier, mais la réalité était bien plus compliquée que ça. Il n’était pas là où il aurait voulu être Elijah. Il avait eu des rêves assez précis et clairement, il n’avait pas réussi à les atteindre. C’était bien beau d’avoir réussi ses études, de pouvoir dire qu’il était architecte, mais ça ne faisait pas tout. Il n’était clairement pas heureux dans l’endroit où il travaillait, mais il restait parce qu’il n’avait pas vraiment le choix. Il en était à un moment de sa vie où il ne pouvait plus se permettre de prendre des risques. Il était en couple, peut-être en bon chemin pour se marier - si seulement les choses redevenaient moins compliquées entre Louie et lui - et toujours motivé à l’idée d’avoir un enfant. Avec tout ça sur le feu, il ne pouvait pas se permettre de démissionner pour voir ailleurs s’il pouvait trouver mieux. Alors il restait dans cette boîte, sans grande motivation Eli et bien souvent il avait l’impression qu’il ne verrait rien d’autre que cette boîte jusqu’à la fin de sa carrière et pourtant, il était encore bien trop jeune pour déjà penser à la retraite. Coincé, c’était vraiment le mot qui définissait le mieux ce qu’il ressentait quand il pensait à sa vie ces derniers temps. Coincé partout, même pas uniquement sur le plan professionnel.

Et malgré cette impression, il fallait croire qu’il s’ajoutait des problèmes, parce que ce soir, il y avait cette soirée au boulot et il avait décidé de s’y rendre. Il aurait peut-être mieux fait de passer son tour, de se trouver une excuse pour juste rester chez lui ce soir. Mais dans le fond, il ne savait même pas s’il était mieux ici ou chez lui avec Louie. Il y avait comme un froid entre elle et lui et une fois les conversations basiques épuisées, ils ne savaient plus vraiment quoi se dire. Sans doute parce qu’ils savaient l’un comme l’autre qu’il y avait de grandes conversations à mettre sur le tapis, mais qu’ils n’étaient pas prêts pour ça. Ils préféraient se taire plutôt que d’aborder les sujets susceptibles de faire mal. Il pouvait au moins oublier tout ça auprès du buffet. Mais il n’était pas arrivé jusque là, Elijah. Tombant nez-à-nez sur ce qui ressemblait à un fantôme venu tout droit du passé. Gia. Il ne pensait pas la revoir un jour, certainement pas à Weymouth, alors que leurs chemins s’étaient croisés loin d’ici, à Bristol quand ils avaient été encore étudiants. C’était perturbant de la revoir ici ce soir. « Ouais, quelque chose comme ça. » Sept-huit ans, ce n’était sans doute pas grand-chose à l’échelle d’une vie et pourtant, du haut de ses trente ans, ça lui semblait très long. L’insouciance de son début de vingtaine lui manquait terriblement. L’absence de responsabilités aussi. Cette période lui manquait bien plus qu’il ne voulait bien l’admettre. Il haussa les épaules avant de répondre. « Ouais, ça va. » Ça allait, pas certain que ce soit totalement vrai mais bon, avant d’aller raconter ses problèmes à une ex qu’il n’avait pas vu depuis des années, il ferait bien d’en parler à celle avec qui il partageait sa vie, ou à un psy à la limite. « Vraiment ? » Il répliqua, un peu surpris par la nouvelle, elle travaillait donc dans le coin, à Weymouth, quel drôle de hasard. « Bha félicitations, c’est une belle soirée. » Un peu trop pompeuse à son goût mais bon, c’était la boite qui voulait ça en même temps. Elle pourrait faire tous les efforts du monde, Gia, impossible de retirer à cette boite son essence pourrie. Personne ne pouvait accomplir un tel miracle, d’après lui. Sa remarque lui arracha un soupir et un haussement d’épaules. « On a pas toujours le choix, quand on a besoin de bosser, on prend ce qu’il y a. » C’était ce qu’il avait fait, des années plus tôt. Il avait postulé dans de nombreuses boites, y compris dans celles qui ne l’interessaient pas forcément et il avait été pris ici. Faute de mieux, il avait accepté le job et il y était encore, des années plus tard. « Toi, qu’est-ce que tu fais à Weymouth ; l’Italie, c’est pas la porte à côté. » Weymouth, c’était pas le coin le plus attractif du monde. C’était sympa, plus vivant l’été que le reste du temps. Aimant à touristes peut-être, mais pas le lieu où on rêvait de travailler, surtout quand on venait d’Italie.

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tw : tromperie.
Jamais elle n’a oublié sa première année en Angleterre. Son année d’Erasmus à Bristol. Elle a vécu tant de choses, Gia. Tant de belles choses, de choses folles, de choses inoubliables. C’était peut-être, finalement, la plus belle année de sa vie. La plus mouvementée, aussi. Elle était jeune alors, elle n’avait que vingt ans. Rien ne comptait vraiment – en tout cas, elle en avait l’impression. Il y avait bien les études, mais elle s’en sortait, pouvait quand même profiter. Elle en a gardé tellement de souvenirs, Gia. Elle a tissé des liens très forts aussi, s’est fait de véritables amis. Y compris dans la colocation dans laquelle elle vivait. Cette colocation non plus, elle ne l’a jamais oubliée. Notamment Elijah. Elle y pense encore, parfois. Se demande ce qu’il devient. Sans jamais chercher, pourtant, à le savoir. Il appartenait au passé, à ses jeunes années, à un moment un peu fou de sa vie. Ils s’étaient amusés, avaient passé du bon temps ensemble – Gia oubliant Ciro qui l’attendait de l’autre côté de la Manche, et même un peu plus loin encore. Ciro qui lui avait mené la vie dure, quand elle était revenue à Bari.

C’est vrai, elle a repensé à Elijah, parfois. A ce qu’il lui faisait ressentir, à l’époque. Au frisson, à l’adrénaline, à l’interdit aussi. Dans le fond, ils étaient bien jeunes à l’époque, bien insouciants. Elle l’est peut-être encore, maintenant – mais pas de la même façon. Le début de la vingtaine, c’est sans doute différent. Mais, voilà : cela l’a marquée de manière indélébile, Gia.
Alors cela lui fait quelque chose, de le revoir. Après tout ce temps. Après y avoir tant pensé, finalement. Après s’en être fait sa propre idée, de ce qu’il devenait. Voilà qu’à présent, il est face à elle, bien réel. Un peu différent. Plus adulte, sans doute. Oui, cela fait bien sept ou huit ans qu’ils ne se sont pas vus – sept, pour être exact, mais Gia n’avouera pas qu’elle s’en souvient très bien. Maintenant, viennent les questions, évidemment ; Elijah lui demande ce qu’elle fait là. « Ouais, vraiment. » Elle esquisse un sourire, Gia. Il faut croire que le monde est petit. Elle se souvenait bien qu’il était originaire de Weymouth, parce que, lorsqu’on lui avait proposé le job ici, le nom de la ville avait fait tilt immédiatement. Mais elle ne pensait pas vraiment qu’il s’y trouvait. Elle se disait que peut-être, il serait allé vivre à Londres, poussé par ses ambitions, ses projets, ses envies d’accomplir les grandes choses qu’il avait en tête, qui révolutionneraient le monde de l’architecture. « Merci, je prends le compliment. » Mais c’est une soirée bien lambda, en somme. Pas celle dont elle est la plus fière – pas celle qu’elle a préféré faire. Mais ce n’est pas grave. Il faut bien mettre un peu de beurre dans les épinards. Elle ne peut pas se permettre de faire la difficile, et cela n’a jamais été son genre, non plus. Même si elle a quelques principes. Comme Elijah. Alors au fond, cela la surprend de découvrir qu’il travaille là. Parce que ce genre de boîtes n’a pas vraiment les mêmes valeurs que lui. Pas le même genre de projets, non plus. « Ouais, c’est sûr. Faut bien payer le loyer, je sais ce que c’est. » Elle lâche un rire, Gia. Fidèle à elle-même, toujours enjouée. Toujours légère. Comme si elle ne prenait rien au sérieux. Pourtant, son insouciance est différente, à présent. Son insouciance prend quand même en compte les préoccupations d’adulte, la nécessité d’avoir un job, de payer son loyer. « Je suis revenue, après. A Bristol. Pour mon master. » précise-t-elle. Elle est revenue, ne l’a pas revu. Il était peut-être encore à Bristol, à l’époque. Ou peut-être ailleurs, ou même ici. Elle n’en sait foutrement rien. Elle n’avait pas posé la question aux autres – pourtant, c’est comme s’ils avaient attendu qu’elle la pose. Parce qu’elle lui brûlait les lèvres. Parce qu’elle était incapable de l’oublier. « Et depuis, je suis restée en Angleterre. » De façon permanente, définitive. « Et Weymouth… j’ai eu une opportunité de job. J’adore Bristol, mais j’avais envie de voir autre chose, alors c’est tombé au bon moment. » Et maintenant, voilà. Elle est là, Gia. Face à Elijah, des années plus tard.

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Weymouth, c’était sa ville natale. Ça avait été naturel pour lui de revenir dans le coin après ses études. Peut-être qu’il aurait mieux fait de voir plus loin pourtant, de chercher ailleurs, histoire de trouver un emploi dans une boîte lui convenant un peu plus. Mais Elijah, il avait fait le choix le plus facile. Celui de rester proche de ses racines, de prendre le seul job qu’on voulait bien lui offrir et de se lancer là-dedans sans trop réfléchir, sans trop se prendre la tête. Ça lui convenait très bien comme ça, au début en tout cas. Il avait joué la carte de l’assurance, en se disant qu’au moins comme ça, il se forgeait un peu d’expérience et que ce serait plus simple après. Mais les années s’étaient écoulées et il n’avait toujours pas changé de boite. Il continuait de se laisser porter par la vie, sans changer les choses. Peut-être qu’il était un peu lâche sur les bords, Elijah. Le genre de mec qui manquait terriblement de courage, qui n’osait pas faire le nécessaire pour apporter les changements lui permettant d’être un peu plus heureux dans sa vie. Non, Elijah, il était le genre de type à se plaindre de sa vie, mais à surtout ne pas bouger le petit doigt pour changer les choses.

Revoir Gia, c’était comme un retour dans le passé. Une claque en pleine figure et le moment idéal pour prendre conscience qu’il avait clairement merdé dans sa vie ces sept dernières années. Pas le boulot de ses rêves, pas de bébé malgré les tentatives, et même pas fiancé alors qu’il avait acheté une bague pour sa petite-amie depuis un moment maintenant. Clairement tous les grands changements, il semblait les esquiver avec soins. Sauf pour le bébé, ça, il n’y pouvait rien. Sept ans depuis la dernière fois qu’il avait vu Gia. Sept ans et pas grand chose d’accompli dans le fond. Gia avait probablement plus évolué que lui. Elle était retournée en Italie, puis était de retour en Angleterre, de toute évidence. Elle travaillait dans l’événementiel, puisqu’elle avait organisé cette soirée. « Tu devrais. Faut que ce soit une très bonne soirée pour qu’après … » Il jeta un regard à sa montre. « Presque une heure, je sois toujours présent. » Il y avait pensé en plus, à trouver une excuse pour s’enfuir. Mais il n’avait pas croisé encore assez de personne pour partir, sans que son absence soit remarquée. « Ouais, c’est clair. » C’était bien pour ça qu’il avait pris ce job, pour le loyer et l’expérience. Maintenant il avait l’expérience, mais il n’osait pas partir. Le salaire augmentait au fil des années, il ne voulait pas repartir de zéro, surtout s’il fondait une famille. « Okay, au moins ça veut dire que tu as apprécié la vie dans le coin. » Il lui adressa un sourire, avant de hausser les épaules. Il fallait qu’elle l’ait apprécié l’Angleterre, pour revenir pour le reste de ses études. « Pas envie de quitter la reine ? » Il demanda, sur le ton de la plaisanterie, évidemment. Ce n’était probablement pas pour Elizabeth II que Gia avait décidé de rester en Angleterre. C’était une grande dame, mais quand même. « C’est pas la même ambiance. Pour avoir passé plusieurs années à Bristol, je crois que je préfère Weymouth. » C’était là où il avait grandi, là où étaient ses amis, sa famille, alors ça aidait. Il était ce genre de type qui aimait avoir ses repères, Elijah.

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Il représente beaucoup, Elijah. Tellement plus qu’elle n’a voulu se l’avouer à l’époque, Gia. Il a été la deuxième histoire d’amour de sa vie, même s’ils ne se sont jamais vraiment soufflé de quelconques mots doux. Ce n’était rien de tel, à l’origine, eux deux. Juste l’un de ses colocataires, sur lequel elle craquait un peu trop. Juste un ami avec lequel elle flirtait un peu trop. Ils se tournaient autour, Elijah et Gia, sans jamais sauter le pas – jusqu’à ce que tout bascule un jour. Jusqu’à ce que la limite soit dépassée. Elle n’a pas fait les choses correctement, à l’époque, la brune. Elle aurait dû rompre avant avec Ciro. Même s’il était là, même s’ils s’étaient éloignés, même si c’était compliqué, même s’il vivait de l’autre côté de l’océan, même si la France même les séparait. Il méritait une vraie rupture, en bonne et due forme, sans être ménagé – car au contraire, au lieu de lui éviter de la peine, Gia l’avait intensifiée. Avec le recul, elle l’avait compris. Mais pour cela, il avait fallu qu’elle découvre véritablement sa haine, comprenne combien les autres lui avaient tourné le dos, la méprisant, la jugeant, pour ses actes, pour ses erreurs, pour ses bêtises en Angleterre.

Elijah lui avait fait tourner la tête. Il n’était toutefois pas responsable de ses erreurs, pas responsable de ses choix. Elle le savait, Gia – ne s’était jamais caché derrière le brun. Elle, elle avait fait n’importe quoi. Elle s’était cru un peu trop tout permis, cette année-là. Oui, c’est vrai, Elijah lui avait fait tourner la tête. Avait remué, éveillé, beaucoup de choses en elle. Allumé la flamme du désir qui demeurait vacillante, avec Ciro. Ciro, là depuis le début. Ciro, son premier tout. Ciro, qui en était devenu ennuyeux. Ciro, qui était si loin d’elle. Elijah, il avait incarné autre chose – peut-être pas l’amour comme Ciro, mais l’amour existait bien, au fond. Ils étaient différents, de toute façon, les deux jeunes hommes. La marquant chacun à leur façon. Elle n’a pas oublié, Gia. Elle y a même repensé, quelques fois.
Maintenant, elle recroise Elijah, des années plus tard. C’est comme un bond dans le temps, un bond dans le passé. Cela réveille quelque chose. Elle lui trouve plus de charme encore qu’à l’époque. Plus que dans son souvenir, sans doute. Ils ont changé tous les deux, probablement. Mais c’est vrai, celui lui fait quelque chose. Elle n’a pas envie de s’éloigner, Gia, pas maintenant. Elle voudrait tout savoir, ce qu’il est devenu. Et qui sait, si cela l’intéressait, elle ne serait pas contre remettre le couvert, comme à l’époque. En attendant, elle reçoit son compliment avec un grand sourire amusé. « Ah ouais, je vois. J’en suis honorée, alors. » répond-elle, sourire en coin, avant de reprendre : « Depuis quand tu pars d’une soirée avant la fin ? » Petite taquinerie, référence à sept ans plus tôt. Ils faisaient beaucoup la fête, avec les deux. Ils s’amusaient beaucoup, tous les deux. Façon très simpliste de dire qu’ils partageaient certaines nuits, sans rien se promettre – mais sans s’empêcher de recommencer. Cela non plus, Gia, elle n’a pas oublié. Elle se demande si lui aussi, il y a repensé. Elle se demande aussi ce qu’il est devenu – bien architecte, de toute façon, mais quid du reste ? Elle est curieuse, la brune. Elle, elle est revenue en Angleterre. Finalement, continuer sa vie en Italie, ce n’était pas pour elle. « Ouais, plutôt. J’avais pas grand-chose qui m’attendait à Bari de toute façon. » Haussement d’épaule, pour appuyer son détachement. Ne pas entrer dans les détails, revenir sur une période compliquée de son existence. Malgré tout, elle avait souffert de ses conneries, Gia. Souffert de l’attitude de Ciro, de sa réputation qu’il avait salie, par jalousie, rancœur. Même si elle l’avait blessé, même si elle n’avait pas fait les choses correctement, elle estime encore qu’elle ne méritait pas un tel traitement. Comme trop de femmes en font les frais, encore trop souvent. « Oh oui, je suis devenue sa plus fidèle admiratrice. » blague-t-elle en riant. Non, la reine, en réalité, elle s’en fiche. Peut-être cependant, qu’aux beaux yeux d’Elijah, elle ne serait pas insensible. « C’est pour ça que t’y es revenu, alors ? » Elle, elle ne connaît pas encore assez Weymouth, Gia. Mais elle aime le calme environnant. Elle aime la côte, elle aime le bruit des vagues. « Weymouth me rappelle Bari. » Même si ce n’est pas le même climat, pas tout à fait le même paysage non plus. Le fait qu’il y ait la mer, lui suffit. Cela lui fait du bien. Quand elle a besoin de prendre du recul, c’est toujours l’océan qu’elle va voir. « T’as un truc de prévu, après ? » Après tout, cette soirée ne va pas durer des lustres. Du moins, elle l’espère. Alors peut-être qu’ils pourraient aller se boire un verre – en tout bien tout honneur. Ou pas. Qui sait – pas Gia, pour le moment, en tout cas.

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-- ft / @Gia Basili

Il n’avait pas la vie dont il rêvait, Elijah. Il s’était laissé prendre par le quotidien et maintenant, il avait l’impression d’être complètement coincé dans une vie qui ne lui convenait pas tant que ça. Tout le poussait à se poser des questions. Est-ce qu’il était vraiment heureux avec sa petite-amie ? Ou bien est-ce que les complications de leur relation lui bouffaient trop le cœur pour qu’il puisse encore profiter de sa vie à ses côtés ? Est-ce qu’il était vraiment heureux dans son job ? Pour le coup, il était à peu près sûr que non. Il voulait travailler pour une boite qui lui ressemblait et ce n’était pas le cas de cette dernière. Il n’aimait pas se lancer dans des introspections Elijah, parce qu’il savait qu’il en ressortirait d’autant plus déprimé. Il fallait tenir le coup quand même, continuer d’avancer, même s’il n’allait pas dans la bonne direction. Tout lâcher, c’était une prise de risque qu’il n’était pas prêt à affronter.

Gia, sortie de nulle part, elle le poussait vers ce genre d’introspection qu’il détestait tant le brun. Elle représentait une part de son passé où il avait été plus heureux dans le fond. Moins effrayé à l’idée de prendre des risques. Il avait eu un côté insouciant qui l’avait poussé à entretenir une relation avec une fille qui avait déjà un copain et il s’était souvent dit que ce n’était pas bien grave, il n’en saurait jamais rien, il n’habitait même pas dans le même pays. Maintenant, il était du genre à subir sa vie, parce qu’il avait peur des risques. Il avait vraiment bien changé et l’ancien lui, lui manquait plus qu’il ne voulait bien l’admettre. « C’est une soirée bien organisée, mais on a connu plus fun, quand même. » Ouais, l’ambiance était trop sérieuse, trop étouffante dans le fond, parce que c’était lié à ce job qu’il maudissait tant. Pas la soirée de l’année. « Si tu es bien ici, c’est le principal. » Peut-être que c’était un peu de sa faute à lui, si rien ne l’attendait chez elle à Bari. Parce qu’il avait accepté cette relation avec elle, en ignorant les conséquences que ça pouvait avoir. L’insouciance lui manquait ouais mais la maturité acquise lui faisait au moins réaliser que cette insouciance l’avait poussé à faire des conneries. Il lâcha un rire, suite à sa remarque sur la reine. « Je peux comprendre, c’est une femme exceptionnelle. » Remarquable, en tout cas. Elle forçait le respect. Il n’était pas forcément branché monarchie, mais bon, la reine restait un personnage important du paysage anglais. « Ouais et puis pour ma famille, mes amis. » Il haussa les épaules, c’était sa ville natale, il y était attaché, le brun. « Il fait forcément plus beau en Italie. » Ville portuaire dans les deux cas, mais sans doute pas la même météo, on avait probablement moins envie de se baigner à Weymouth. « Pas spécialement. » Il haussa les épaules. Rentrer chez lui et se mettre au lit, c’était ses plans pour après cette soirée. « Pourquoi, t’as aussi prévu l’after ? » Il ajouta en plaisantant. Sa petite amie l’attendait chez eux, alors il ferait sans doute mieux de ne pas trop tarder lui, dans le fond.

leave before you love me (@Elijah Fowler)

Elle a l’impression de replonger dans le passé. De revivre ses premiers émois, de revivre cette année-là. La première passée en Angleterre, celle où elle a rencontré Elijah. Fait n’importe quoi. Tout était si simple, alors. Elle était si insouciante, Gia, à l’époque. Aujourd’hui, elle l’est sans doute encore. Pas autant. Elle est un peu plus mature, un peu plus adulte. Elle ne pourrait plus faire n’importe quoi. Mais elle a toujours cette fantaisie, ce petit grain de folie. Elle aime toujours le goût du risque, les défis. Flirter avec le danger, l’interdit. Elle recherche toujours l’adrénaline, au fond, mais de la plus naturelle des façons. Parce que c’est grisant. Et cela l’était, avec Elijah. Est-ce qu’il s’en souvient, lui ? Est-ce qu’il y pense, parfois ? Ou est-ce que ce passé-là remonte à trop loin ? Il a eu tout le temps de l’oublier, depuis, Elijah. Parce que c’était il y a sept ans. Parce que sa vie a dû changer, entre temps. Parce qu’il a sans doute eu d’autres histoires, parce qu’il en a peut-être une maintenant. Elle ne veut pas savoir, au fond. Sans trop savoir pourquoi. Ce serait stupide, après tout ce temps. Mais elle doit l’avouer, Gia : ce n’est pas elle qui dirait non, si l’opportunité de remettre le couvert se présentait. Après toutes ces années, il a changé – en positif, elle dirait.

Elle ne s’attendait pas à le revoir là, cependant. L’idée ne lui avait même pas traversé l’esprit, même en sachant qu’elle organisait cette soirée pour une boîte d’architecture, même dans la ville natale d’Elijah. C’est simple : elle ignorait qu’il était revenu s’installer à Weymouth. Elle n’a jamais fait partie de ces gens qui stalkent leur ex sur les réseaux sociaux, si tant est qu’elle puisse qualifier Elijah vraiment ainsi. Alors voilà : elle est retombée sur lui par hasard. Et étrangement, elle n’a pas du tout envie de couper court à la conversation. Brûle au contraire de savoir ce qu’il devient. « C’est sûr que c’est pas non plus la soirée de l’année. » Elle-même peut sans peine l’avouer. C’est son travail, elle répond aux attentes de ses clients et les trois quarts du temps, elle n’organise pas des événements semblables aux fêtes étudiantes auxquelles elle a pu se rendre, quelques années auparavant. « Oui, je le suis. » Sa vie est ici, en Angleterre, aujourd’hui. Pourtant, elle a dû tout recommencer de zéro à Weymouth. Devoir trouver ses marques, faire de nouvelles rencontres, nouer de nouvelles amitiés. Mais cela ne lui fait pas peur, et cela n’est pas la première fois qu’elle doit le faire, Gia. Elle lâche un rire aux mots d’Elijah à propos de la reine. « Je ne me risquerais pas à prétendre le contraire, c’est une vraie déesse pour les Britanniques. » Petite taquinerie qu’elle laisse échapper, sourire en coin. Fait-il partie de ceux-là ? En tout cas, aux dernières nouvelles, il est toujours britannique, et originaire d’ici. « C’est compréhensible. » Il avait plus d’attaches ici, alors il n’est pas resté à Bristol. Cela la surprend malgré tout. Peut-être parce qu’elle, Gia, elle n’a pas hésité à quitter Bari une seconde fois. Mais dans son cas, les choses étaient un peu plus différentes. « Alors ça, j’te le fais pas dire ! » Elle lâche un rire, Gia. C’est vrai qu’il fait plus beau en Italie. Plus chaud, aussi. C’est pour cela que parfois, le mal du pays revient, malgré tout. Certains jours restent plus difficiles que d’autres. Mais peu importe. Elle a trouvé un nouveau rythme de vie, ici, Gia. Elle s’amuse quand même, elle profite, elle passe du bon temps. Et justement, elle demande à Elijah s’il a prévu quelque chose, ensuite. Pas spécialement. Il ne semble pas bien enthousiasmé. « Non, mais je peux aisément organiser ça si besoin. » Elle hausse les épaules, Gia, sourire en coin. Peut-être bien qu’il y a un sous-entendu, derrière ses mots – mais, avant toute chose, elle lui proposerait bien d’aller boire un verre après, plutôt.

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-- ft / @Gia Basili

Elle lui manquait parfois, sa jeunesse, son insouciance. Ces choses qu’il semblait avoir laissées derrière lui en quittant Bristol pour reprendre sa vie à Weymouth. Maintenant, il avait l’impression que sa vie se résumait bien souvent à métro, boulot, dodo et ce n’était clairement pas ce sont il avait pu rêver plus jeune. Il essayait de relativiser le brun. Au moins, il avait un boulot et ça payait pas mal dans cette boite, alors ça lui permettait de vivre correctement. Il avait une petite amie, une relation stable dans laquelle ils avaient des projets à réaliser. Il y avait une grande part de routine dans sa vie, c’était vrai, mais il y avait encore des choses qu’il avait envie de réaliser. Tout n’était pas perdu et il fallait bien qu’il s’accroche à ça. Mais ça lui faisait bizarre de revoir Gia après tout ce temps. Ça le ramenait dans le passé, ça lui rappelait des souvenirs. Sensation étrange qui le poussera sans doute dans une vraie introspection plus tard, quand il sera seul avec ses pensées.

Il lâcha un léger rire à sa remarque. Non, ce n’était pas la soirée de l’année. Ça restait encore trop professionnel pour ça. « Non, c’est sûr. » Lui, les soirées avec ses collègues, dans le fond, il s’en passerait bien. Au moins, discuter avec Gia rendait les choses un peu mieux, d’après lui. « Tant mieux. » Si elle était bien, ici en Angleterre, même si ce n’était pas son pays d’origine, alors il était content pour elle. L’important, après tout, c’était qu’elle soit heureuse, c’était tout ce qu’il lui souhaitait le brun. Un nouveau rire passa ses lèvres, suite à sa remarque sur la reine d’Angleterre. « Ouais, fais attention, on y est très attachés, ici. » La reine d’Angleterre avait son lot de fans, après tout. Il n’en faisait pas partie, Elijah. C’était une grande dame, quelqu’un de respectable, évidemment. Mais la monarchie, ce n’était pas son truc à Elijah. « J’ai toujours eu pour ambition de revenir. » Il haussa les épaules. Il était parti à Bristol en sachant qu’il reviendrait un jour à Weymouth. Bristol, ça n’avait été que pour les études. « Ça donne envie, le soleil de l’Italie. » Il n’y avait jamais mis les pieds, mais bon, ça devait changer de la pluie quasi constante qu’ils avaient ici en Angleterre. Peut-être qu’il devrait songer à voyager un peu plus, ça ne lui ferait pas de mal. « J’ai dit à ma copine que je rentrerais pas tard, mais je pense qu’elle comprendra si finalement je tarde un peu. » Il haussa les épaules, il était censé être en soirée après tout, alors elle ne lui en tiendra sans doute pas rigueur. Au pire, il pouvait toujours lui envoyer un message, mais il devait bien admettre, le brun, qu’il avait bien besoin de quelque chose d’un peu plus fun que ça.

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tw : tromperie.
Elle se demande s’il a repensé à elle aussi, parfois. Depuis toutes ces années. Ou bien, s’il l’avait complètement oubliée. Qu’était-elle, après tout, Gia ? Pas grand-chose, en tout cas. Leur histoire n’en était pas une, sinon elle serait restée là. Au lieu de courir après Ciro, ce jour-là. Au lieu de retourner en Italie, tenter d’arranger les choses. Mais elle était partie, laissant Elijah. Elle était partie, sans un regard pour lui. Elle était partie, simplement – sans qu’ils ne se reparlent vraiment. Ils n’avaient jamais vraiment parlé d’eux, de toute façon. Ce n’était pas sérieux, entre eux. Pas de promesses, pas d’attentes, pas de rêves, pas de projets d’aucune sorte. Elle avait Ciro, de toute façon. Ciro qu’elle trompait éhontément, à profusion, sans s’en soucier vraiment. Jusqu’à ce qu’il rapplique à Bristol. Là, cela lui avait fait comme un électrochoc. Il avait fallu qu’elle soit à deux doigts de le perdre, Ciro, pour qu’elle oublie tout à coup Elijah. Il était pourtant toujours présent dans son cœur – y ayant remplacé Ciro depuis longtemps, déjà. Mais à ce moment-là, Gia ne le comprenait pas. Gia restait dans le déni. Gia courait après un jeune homme qui lui ferait beaucoup de mal, en retour, ensuite.
Non, Elijah, elle ne l’avait pas revu. Mais elle y avait repensé, plus tard.
Pas seulement quand elle était seule.

Il lui avait donné des frissons. Il avait mis du piment dans sa vie, bouleversé son quotidien. Elle s’était amusée avec lui, à un âge encore insouciant – un âge où, au fond, elle n’était peut-être pas prête pour l’engagement. Elle n’est pas sûre de l’être davantage aujourd’hui, Gia : la preuve, elle fait encore cavalier seul. Mais elle s’amuse. Et probablement qu’elle aimerait bien encore s’amuser avec Elijah. Le revoir, cela lui fait forcément quelque chose. Et lui ? Elle est curieuse. Elle s’amuse déjà beaucoup, en tout cas, Gia. Le sourire aux lèvres, le rire facile, la plaisanterie évidente, la taquinerie un peu trop présente. « J’ai cru comprendre. » répond-elle, sourire en coin. Elijah a changé, et en même temps, pas tant. Elle l’a reconnu sans problème, mais il est un peu différent – quelques années en plus au compteur, aisément perceptibles. Parce qu’ils ne sont plus des gosses, ils n’ont plus cette légèreté, cette innocence, cette inconscience, propres peut-être au début de la vingtaine. Elle est toujours insouciante, pourtant, Gia – mais pas de la même façon. Aujourd’hui, elle ne tromperait pas son petit-ami se trouvant en Italie avec un Britannique qui lui fait un peu tourner la tête. Elle prendrait probablement le temps de rompre, de se libérer de ses chaînes, avant, même avec un vulgaire sms. En tout cas, elle ne pensait pas un jour croiser Elijah là. « Je ne m’en souvenais pas. » Parlaient-ils seulement de cela ? De choses sérieuses ? De leurs projets et rêves respectifs ? Elle n’est pas sûre, Gia. Ils s’amusaient. Ils sortaient, faisaient la fête, buvaient, et parfois, s’aimaient à l’horizontale – mais mots d’amour, jamais. L’amour était sans doute seulement dans les regards et sourires qu’ils s’échangeaient, sans jamais rien assumer. « C’est pas moi qui vais te dire le contraire, tu prêches une convaincue. Y’a rien de mieux que l’Italie. » Pourtant, elle n’y vit plus. Elle a choisi de s’installer ici. Elle a ses raisons. Elle ne va pas lui parler de sa famille, des difficultés rencontrées à l’époque, après l’arrivée impromptue de Ciro à Bristol. Pas envie de ressasser le passé. Pas envie de se rappeler de mauvais souvenirs. Pas envie de souffrir. Non, fidèle à elle-même, elle veut juste s’amuser, Gia. Et elle ne perd pas de temps, demande s’il a quelque chose de prévu ensuite. S’amuse de la plaisanterie sur l’after, enchaîne en disant qu’elle peut l’organiser tout de même. Et le mot copine tombe dans la conversation comme un cheveu dans la soupe, son cœur se serrant étrangement en l’entendant – sans qu’elle n’en montre rien, pour autant. « T’es en couple, toi ? » lâche-t-elle, toujours avec le même sourire en coin, toujours à s’amuser, comme si rien ne l’atteignait. Peu importe – de toute manière, il vient d’accepter sa proposition et c’est une victoire suffisante. « Ce serait dommage de manquer un after organisé par Gia Basili herself. On lève l’ancre dans vingt minutes ? En vrai, je suis sûre que c’est surtout toi qui connais les meilleurs bars de Weymouth. » Parce qu’il en est natif, voilà tout. Elle, cela ne fait à peine que quelques mois qu’elle est là, Gia.

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-- ft / @Gia Basili

La vie était faite de telle sorte qu’il fallait bien grandir, à un moment donné. Laisser le passé derrière soi, afin de pouvoir construire une vie. Grandir, avoir des responsabilités, des factures à payer, un poste à occuper, jour après jour, parce que travailler, c’était ce qui permettait de ramener de l’argent à la maison. C’était ça, la vie, dans le fond. Tout le monde devait y passer un jour. Maintenant, il était adulte, Elijah. Trentaine entamée, boulot dans lequel il avait des chances d’évoluer. Appartement loué avec sa petite amie et tentatives de fonder une famille. Il avait même envisagé de la demander en mariage. Tant de choses qui donnaient vraiment l’impression d’être entré dans l’âge adulte. Et il n’y avait pas de retour en arrière possible, même quand c’était difficile. Même quand c’était déstabilisant. Il fallait juste avancer, sans trop se poser de questions. C’était ce qu’il essayait de faire le brun et pourtant, parfois, les questions, elles s’imposaient à lui sans qu’il ne le veuille vraiment. Est-ce qu’il avait fait les bons choix ? Est-ce qu'il était vraiment heureux ? S’il se posait ces questions, c’était forcément qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, non ?

Bizarrement, le fait de se retrouver en face de Gia ce soir, ça ne faisait que raviver ces questions. Parce qu’elle lui rappelait son passé. Leur passé commun. Un âge plus jeune, plus d’insouciance. Trop peut-être. Il n’avait pas vraiment eu conscience que son aventure avec l’italienne pourrait faire du mal à quelqu’un d’autre. Il avait été trop jeune, peut-être, trop naïf, sûrement. Plus heureux, en tout cas, à cette époque. Passé qu’il évoquait à présent avec mélancolie et quelques regrets, évidemment. « Ça remonte. » Il haussa les épaules. De lointains souvenirs que lui aussi, il ferait mieux d’oublier, parce que cette époque, elle était derrière lui maintenant. Il était passé à autre chose le brun. Il n'était plus ce type insouciant qui se fichait de bien des choses. Il avait des responsabilités, Elijah. Il était adulte. « Pour des vacances, sans doute. » Il répondit, sourire aux lèvres. L’Italie, c’était peut-être une destination de rêve pour les vacances, oui. Pour faire sa vie, c’était l’Angleterre qui avait son cœur. Peut-être celui de Gia aussi, puisqu’elle était là, aujourd’hui et non en Italie. Elle avait organisé cette soirée et maintenant, elle lui proposait un after. Ce serait forcément mieux qu’une soirée au boulot non ? Et puis, il en avait sûrement besoin. Mais il fallait prévenir sa petite amie, évidemment. « Ouais, pourquoi est-ce que c’est si surprenant ? » Parce qu’il n’avait pas été stable à l’époque ? Il l’avait été avec elle. Parce qu’il l’avait aimée, quand bien même leur histoire n’avait été que pour s’amuser, au début. Il avait une copine, une vie stable. Il avait changé. « C’est noté. » Il répliqua à l’adresse de la brune. « Je connais, c’est sûr, mais c’est toi qui organise, pas moi. » Il haussa les épaules, sourire aux lèvres. C’était elle qui s’était engagée là-dedans, pas lui, alors à elle de se débrouiller, avec son after. Il était bien curieux de voir où est-ce qu’elle allait l’emmener, après tout.