Il avait eu envie de refuser, Rhys, dans un premier temps. De laisser sa place à quelqu’un qui apprécierait vraiment ce voyage au cœur des Maldives. Quelqu’un qui profiterait alors que son coeur à lui n’était pas à l’amusement. Ame torturée qui refusait les plaisirs simples de la vie, qui tournait le dos au bonheur. Par loyauté. Ou par culpabilité, peut-être. Parce qu’il n’acceptait toujours pas la disparition de celui qui était comme un frère à ses yeux. Il n’acceptait pas de n’avoir pu lui venir en aide. C’était stupide, mais il n’avait pas voulu s’éloigner de peur de trahir sa mémoire. De peur de se détourner de cette promesse de vengeance qu’il avait faite. Après tout, il n’avait pas participé de son plein gré à ce concours, rien ne l’obligeait à accepter de s’envoler à l’autre bout du monde. Pourtant, il avait fini par se laisser convaincre, un peu au dernier moment. Par se dire qu’une semaine passée loin de Weymouth pourrait l’aider à y voir plus clair, à mettre de l’ordre dans ses idées. Il ne savait plus vraiment où il en était, le pianiste. Une envie de vengeance toujours présente, mais la raison qui reprenait peu à peu le dessus. Avait-il raison d’agir ainsi ? De laisser sa colère prendre le dessus ? Il n’en était plus si sûr. Alors il s’était envolé, laissant ses doutes et ses craintes derrière lui. Il était parti en décidant de ne plus penser à cette vengeance à laquelle il s’accrochait. De ne plus penser à elle, Eliana. Et ses premiers pas sur l’île avaient accentué cette impression qu’ici, il pourrait déconnecter. Se détacher de ses souvenirs douloureux qui rongeaient peu à peu son être, là-bas, à Weymouth. Ici, il se sentait plus serein, plus léger. Et il voulait en profiter encore un peu avant de repartir.

Le hasard avait voulu que l’un de ses collègues fasse également partie du voyage. La surprise avait laissé place à l’amusement lorsqu’ils s’étaient retrouvés à partager le même bungalow. A croire que le monde était vraiment petit. Il ne l’avouerait sans doute pas, mais c’était un soulagement pour lui de ne pas avoir à partager son logement avec un parfait inconnu. De ne pas avoir à faire connaissance, à parler de sa vie, de ce qu’il aimait ou détestait. Colt le connaissait, il savait qu’il n’était pas un grand bavard. Avec lui, il pouvait parler de tout et de rien sans évoquer les sujets trop personnels. Et il comprenait ses silences. Du moins, il en avait l’impression, le pianiste. Un sourire étira le coin de ses lèvres lorsqu’il entendit le jeune barman entrer dans le bungalow. “C’est à cette heure là que tu rentres, gamin ?” Lança-t-il sur un ton taquin. Il n'était pas si tard, mais les nuits aux Maldives tombaient bien plus tôt que chez eux. “T’as des plans pour ce soir ?” Demanda-t-il en levant les yeux du livre qu’il était en train de lire.

La journée fut longue. Initiation au surf qui s'est éternisé, mais qui lui a permis d'apprendre enfin cette activité, ce sport, qui l'a toujours passionné. Plusieurs fois il a voulu s'y essayer Colt. Mais à Weymouth, ça n'a jamais été réellement facile. Ou possible. Faire du surf en Angleterre n'est pas l'une des meilleures choses à faire. Alors quand il a atterri ici et qu'il a vu que des cours se donnaient pour les plus curieux, il n'a pas hésité une seule seconde le barman. Et tout ça, ça l'a bien épuisé. Il a fait plusieurs rencontres, dont une blonde assez mignonne, qui lui a un peu tapé dans l'oeil et qui en prime, vient elle aussi, de Weymouth. Il ne peut pas nier qu'il s'est bien amusé le brun. En plus de ça, il était assez doué, pour un novice. Alors c'est en traînant presque des pieds qu'il pousse les portes du bungalow où il dort et qu'il partage, par chance, avec l'un de ses collègues.

Il redoutait un peu ce système de bungalow et de colocation. Colt, il vit seul depuis plus de deux ans maintenant. Depuis que Ronnie, elle a fait ses bagages pour visiter le monde et ses merveilles. Il a de temps en temps la visite de Nova. Mais la plupart du temps, il est seul Colt. Heureusement, il n'est jamais beaucoup dans son appartement. Parce qu'il est occupé à travailler. Entre le club de jazz et ses cours d'arts martiaux, il est continuellement occupé. Ça le fatigue énormément, parfois. Et Colt, il préfère travaillé plutôt que de prendre des vacances. Car ce ne sont pas les vacances qui payent son loyer. Pourtant, il est ici. Et il a été soulagé, lorsqu'il a entendu son nom être prononcé en même temps que celui de Rhys. À croire que le hasard a bien fait les choses, pour les deux amis. « Désolée père, j'ai pas vu l'temps passer. » Qu'il répond en rigolant légèrement tout en posant ses yeux sur le visage du pianiste. Il pousse un long soupir et se débarrasse de ses tongs. « J'suis épuisé, j'savais pas que ça fatiguait autant l'surf. Donc non, rien de prévu. » Il se laisse tomber dans le petit canapé en bois et met sa tête entre ses mains. « T'as fait quoi aujourd'hui ? » Qu'il demande, curieux de savoir ce que Rhys a bien pu faire lorsqu'il prenait ses cours de surf. « T'as envie d'aller à l'hôtel boire un verre ? Ou on s'fait livrer quelque chose ici. J'te laisse choisir. J'ai plus la force de réfléchir. » Dit-il sur un ton amusé, balançant sa tête en arrière, le corps vide de toutes ses forces.

Il ne regrettait pas d’avoir fini par céder à la tentation de participer à ce voyage. S’il s’était montré réticent au début, maintenant qu’il se trouvait sur place, il appréciait réellement l’endroit. Le soleil, la plage, l’inconnu avaient quelque chose de bénéfique sur lui. Étrangement, il se sentait bien ici, il se sentait apaisé. Peut-être parce qu’il avait décidé de laisser derrière lui ce qui le tourmentait, au moins pour quelques jours. La vie reprendrait bien assez vite son cours lorsqu’il poserait de nouveau les pieds sur le sol anglais. Pour le moment, il voulait simplement profiter de chaque instant de ce séjour paradisiaque. Profiter et oublier. Oublier que chez lui son cœur saignait, tiraillé par les choix qu’il avait fait, les décisions qu’il devait prendre. Il se posait tout un tas de questions, le pianiste, remettait tout en doute. Était-il prêt à tout sacrifier pour assouvir ce besoin de vengeance ? A renoncer à l’homme qu’il était ? Au fond, il avait déjà changé, il le savait et pensait l’avoir accepté, mais il n’en était plus sûr à présent. La rancune avait noirci son cœur, brouillé son esprit, mais il restait en lui de bons côtés. Du moins, il essayait de s’en convaincre. C’était plus facile ainsi, plus facile de se dire que malgré tout, il avait une bonne raison de faire ce qu’il faisait.  

Il avait passé la journée à explorer les environs, s’offrant une excursion dans des endroits un peu plus reculés, loin de la foule et des touristes qui l'accompagnaient. Rhys, il avait besoin de se ressourcer, plus que jamais. Besoin de s’isoler pour réellement apprécier le voyage, de se laisser porter par ses envies sans se soucier des autres. Alors il était parti seul, s’était perdu sur l’île, rencontrant quelques locaux, échangeant quelques mots, quelques rires avec ces personnes qui menaient une vie si différente de la sienne. C’était un autre mode de vie et il voulait s’en imprégner le temps de son court séjour sur l’île. Il avait pris le temps de se poser pour apprécier la beauté des lieux, le pianiste. Le temps de vraiment profiter. Il n’était pas rentré depuis si longtemps lorsque son jeune colocataire pour la semaine pénétra dans leur bungalow commun. “Ni le soleil se coucher ?” Qu’il lança sur un ton faussement paternaliste, amusé par la réponse de son ami. Colt, il lui rappelait Andrew par moment. C’était étrange, un peu déstabilisant parfois, mais agréable. Peut-être que c’était la raison pour laquelle il s’était attaché au jeune homme. Parce qu’il voyait en lui des traits de caractère similaires à ceux de son petit frère. “Tu pensais qu’il suffisait de se mettre debout sur la planche et de laisser les vagues te porter ?” Il laissa échapper un rire en se redressant pour se caler contre la tête du lit, venant poser son livre sur la table de nuit à ses côtés. “J’ai visité l’île, fait un tour sur un petit marché local et profité de la plage. Je me suis même laissé convaincre de participer à une excursion sous-marine demain avec un pêcheur que j’ai rencontré.” Après tout, puisqu’il était ici, autant profiter des activités que proposait l’île. “J’irai bien boire un verre. On pourra se commander un truc à manger en même temps. Ça te va, ou tu es trop fatigué pour bouger ?” Demanda-t-il amusé par la vue du jeune barman visiblement épuisé par son après-midi de surf.

Une semaine qui lui fait un bien fou. Qui lui permet de se déconnecter, de penser à autre chose. De faire autre chose que métro, boulot, dodo. Une semaine dans un endroit paradisiaque qui apaise son âme et son coeur. Il a l'impression qu'ici, tout va bien. Il y a Nova. Mais aussi Rhys. Et Colt, il se sent apaisé, détendu. Il en profite même pour faire les activités proposées, car il sait qu'il ne pourra pas les refaire d'aussitôt. Aujourd'hui, il a opté pour le surf et ça l'a bien fatigué, Colt. Il a toujours désiré en faire, mais peut-être avait-il sous-estimé l'effort physique que ça allait demander. C'est là qu'il se dit qu'être professeur d'arts martiaux l'aide bien, car grâce à ça, il garde une certaine condition physique qui l'a tout de même bien aidé. C'est donc fatigué et tard qu'il rentre dans le bungalow qu'il partage avec Rhys, ami et collègue. « Tellement fatigué que non, j'ai même pas vu le soleil se coucher. » Qu'il répond dans un rire. Le soleil ne se couche pas tôt pourtant, ici. Mais Colt, il a été tellement pris par cette activité qui a duré de nombreuses heures qu'il n'a fait attention à rien. « Ha ha très drôle. Pas à c'point-là, faut pas abuser, mais -- on n'a plus vingt-ans hein. » Il laisse échapper un nouveau rire franc quant à sa remarque et celle de Rhys. Il n'est plus tout jeune Colt. Mais il n'a pas non plus à se plaindre. Après tout, Rhys est plus vieux que lui et à les voir tous les deux dans cette situation, on pourrait penser qu'ils ne sont autres que des frères. « Mais j'aimerais bien t'y voir moi sur une planche. Tu ne tiendrais pas deux minutes. » Il plisse les yeux tout en posant son regard sur le jeune homme, léger regard joueur et espiègle. « Plongée sous-marine, pas mal. Tu t'fais des potes partout toi, même avec un vieux pêcheur. » Il aime le taquiner Colt. Ils s'entendent bien, ces deux-là. Une rencontre faite un peu par hasard sur leur lieu de travail depuis qu'il a mis les pieds au club de jazz pour y travailler comme barman. Il ne regrette en rien de s'être lié d'amitié avec le Caldwell. Il l'apprécie, aime discuter avec lui lorsque le pianiste ne joue pas et que lui ne sert personne. Ils ne se connaissent peut-être pas comme cul et chemise, mais ils s'entendent bien. « Pour toi, j'peux faire un effort! J'vais vite prendre une douche avant, on sait jamais qui on peut croiser. » Nouveau rire qui s'échappe d'entre ses lèvres alors qu'il se redresse pour filer sous la douche. Il en ressort quelques minutes plus tard et enfile à nouveau ses tongs. « On peut y aller. »

Le trajet jusqu'à l'hôtel est rapide, d'autant plus que des vélos sont mis à la disposition des touristes pour se rendre de leur bungalow à l'hôtel. Ils ne tardent pas à entrer et se trouver une place à une table non loin du bar. « Ça creuse le surf, j'suis affamé en fait. » Sa fatigue est passée en second plan maintenant, la faim ayant subitement pris le dessus sur ses envies. « Une bière pour moi! » Qu'il répond au serveur qui vient de s'approcher d'eux pour prendre leur commande. Il attend que Rhys fasse de même pour porter son attention sur lui. « Pressé de rentrer, ou t'as envie de rester ? » Demande-t-il tout en posant ses avant-bras sur la table, bien curieux de connaître l'avis de Rhys sur ce voyage.

Spoiler:

C’était agréable de se retrouver ici, bien plus qu’il ne l’avait imaginé. Une semaine de détente et de repos, loin de tout. Sans doute qu’il n’aurait pas autant apprécié le voyage s’il avait dû partager sa chambre avec une autre personne que son jeune collègue. Amitié qui s’était forgée au fil des années, du temps passé au club de jazz. Ils ne se connaissaient pas plus que cela en dehors de leur lieu de travail, mais c’était ce qui lui plaisait dans leur relation, elle était simple et sincère. Cette colocation improvisée faisait du bien au pianiste, plus habitué aux nuits solitaires depuis bien trop longtemps. D’une certaine façon, ça lui rappelait de bons moments, ceux qu’il passait avec Andrew chez eux, mais aussi au foyer d’accueil lorsqu’ils étaient enfants. Il avait oublié à quel point c’était agréable. Il s’était habitué à la solitude et au silence ; la plupart du temps, il s’en accommodait, mais il se rendait compte qu’au fond ça lui manquait de n’avoir personne à qui parler, personne avec qui rire et décompresser. Rhys s’était enfermé dans une routine qui le coupait du reste du monde. Peut-être qu’il était temps pour lui de sortir de cette solitude. Ou du moins, d’essayer. “Fais moi penser à t’offrir une montre pour ton anniversaire.” Il sourit, Rhys, amusé par la situation. Il avait raison de profiter des activités proposées, le jeune Wardley. De son côté, il n’était pas pressé de retrouver le temps gris et froid de l'Angleterre. Il laissa échapper un rire, suivant celui communicatif du jeune homme. “Ça c’est sûr, je n’ai plus vingt ans.” Déclara-t-il, amusé de voir que le jeune homme se sentait déjà vieux du haut de ses vingt-quatre ans. Rhys, lui, avait l’impression qu’une éternité s’était écoulée depuis qu’il avait fêté ses vingt ans. A l'époque, tout était différent. Le monde était devant lui et son avenir aussi. Il avait des rêves plein la tête et des envie d’évasion. Se construire une vie loin du foyer dans lequel il avait grandi, ne plus être qu’un nom sur la liste des enfants abandonnés. Il voulait se définir autrement que comme l’enfant ayant grandi en foyer et il avait réussi à le faire. Pourtant, depuis quelque temps, il se sentait de nouveau orphelin. Abandonné. Il avait l’impression d’avoir fait un bond en arrière, de traîner un sentiment qu’il ne voulait plus ressentir. Et il ne pouvait rien faire pour changer cela. Son attention se reporta sur Colt et un sourire étira le coin de ses lèvres face à l’air joueur de son ami. “Je te parie même qu’au bout de trente secondes, je serais à l’eau. Mais je reconnais mes faiblesses et c’est pour ça que je ne mettrais jamais les pieds sur une de ces planches.” Ce n’était pas un grand sportif et il n’avait jamais testé les sports aquatiques, mais il savait déjà que ce n’était pas le genre de discipline dans laquelle il excellerait le Caldwell. Il préférait laisser cela à son jeune collègue et participer à des activités moins risquées à son goût. “Je tente de sortir de ma zone de confort, tu peux être fière de moi.” Qu’il déclara fièrement, non sans avoir remarqué l’air taquin du jeune homme, avant de poursuivre. “C’est dû à mon charme naturel, je n’ai même pas d’effort à faire, les gens m’apprécient en un regard.” Il laissa échapper un rire, il plaisantait, mais il y avait du vrai dans ses paroles. Il n’avait jamais vraiment été des plus sociables, Rhys. C’était rarement lui qui faisait le premier pas et allait vers les autres. Toujours sur la réserve, souvent en retrait. De l’extérieur, il pouvait sembler un peu bourru par moment, un vrai loup solitaire. Mais, au fond, lorsqu’il laissait les gens entrer dans sa vie, il avait bien plus à offrir que cette image d’éternel solitaire. Son attention se reporta sur son ami et il secoua la tête, amusé par sa remarque. “Allez, vas te faire une beauté, mais ne mets pas trois heures sous la douche.” Il attendit qu’il ressorte quelques minutes plus tard pour se rendre à l’hôtel.

Assis à l’une des tables de l’hôtel, ils attendaient l’arrivée du serveur pour prendre leur commande. “Je savais bien qu’il ne fallait que je te laisse aller dormir le ventre vide.” Il le taquinait gentiment, mais à vrai dire, il avait faim lui aussi. Son excursion lui avait ouvert l’appétit. Le serveur arriva et il prit sa commande. “Un whisky.” Et il reporta son attention sur le jeune homme, réfléchissant à sa question avant d’y répondre. “Bizarrement, je resterais bien ici encore quelques jours. Je crois que ça va me manquer.” Il le pensait, sincèrement. Ici, il avait l'impression de vivre dans une bulle, de pouvoir s’accorder une pause sans se soucier de rien. Il n’était pas pressé de retrouver sa routine et les problèmes qui allaient avec, mais comme toutes les bulles, la sienne finirait par éclater lorsqu’il serait temps de rentrer. “Et toi, pas trop déçu de devoir quitter ce petit coin de paradis ?” Il avait remarqué à quel point il s’était amusé ces derniers jours et le sourire qui illuminait constamment son visage, alors il se doutait un peu de la réponse de son jeune ami.  

:

Jamais il n’aurait pensé venir ici Colt. Jamais il n’aurait pensé partir de Weymouth une fois dans sa vie. Il n’a toujours connu que cette ville anglaise, bien trop attaché à sa ville natale que pour oser s’aventurer ailleurs. Une envie bien différente de son ex petite-amie, qui n’a pas hésité à le quitter pour voyager autour du monde. Il se demande même, si elle est venue ici Ronnie. Mais il n’a pas envie d’y penser. Il est ici. Nova l’est aussi ainsi que Rhys. Il partage même le bungalow avec ce dernier et lorsqu’il l’a su à son arrivée, ça l’a en quelque sorte soulagé. Ils ne se sont pas beaucoup vu les deux collègues, pourtant. Cole, il a profité de cette semaine au paradis. Il a enchaîné les activités parce qu’après tout, il est là pour ça brun. Il est là pour s’amuser, pour se vider la tête, pour profiter d’être loin de sa vie ordinaire et banale de Weymouth. Il est loin de tout ce qui lui rappelle sans cesse Ronnie. Être en colocation avec Rhys lui rappelle bien des souvenirs de quand il était au foyer. Des bons comme des mauvais. Bien qu’il ne doute pas une seule seconde qu’avec Rhys à ses côtés pour cette semaine, les choses ne pourront être que positives. « Si t’es prêt à mettre le prix, pas de soucis. » Il s’est toujours bien entendu avec Rhys, Colt. Ils se connaissent depuis quelques années déjà maintenant. Depuis qu’il travaille au club de jazz en réalité. Une tranche d’âge différente, mais pourtant, ça ne les a jamais empêché de bien s’entendre et de s’amuser ensemble les soirs où le pianiste est sur scène. « Ca se voit à tes rides. » Il le taquine Colt, profite de ce moment pour le charrier un peu. D’autant plus que même s’il partage le même endroit où dormir, ils n’ont pas encore réellement pu profiter de ce moment pour n’être rien que tous les deux. « Mais je suis fier de toi Rhys ! » Il rigole à nouveau, laisse échapper un petit clin d'œil dans sa direction avant de finir par se lever pour aller prendre sa douche, histoire d’être présentable.

« Un vrai papa poule. » Qu’il répond en s’installant à une des tables libres du restaurant de l’hôtel. Il n’est venu ici que pour manger ou pour boire quelques verres Colt, pas plus. Un serveur ne tarde d’ailleurs pas à se diriger vers eux afin de prendre leur commande et une fois la commande passée, Colt reporte son attention sur son ami face à lui. Il se laisse un peu plus tomber dans sa chaise, laissant échapper un léger soupir. « Ouais j’te comprends. Tout semble si – si simple ici. » Mais peut-être que ce n’est qu’une impression. Peut-être qu’il ressent ça, car il est en vacances après tout. Il n’est pas vraiment certain que vivre sur ce genre d’île, ça lui plairait. « Si un peu, comme tout l’monde j’pense. Mais je t’avoue que j’me vois pas rester ici éternellement. » Il râle peut-être sur sa vie à Weymouth, mais d’un autre côté, il l’aime quand même, sa vie là-bas. Entre ses deux boulots qu’il aime faire, la beauté de la ville en elle-même ou encore tout simplement, Nova … Il ne se voit pas, voit plus, vivre ailleurs qu’à Weymouth ou rester loin de cette ville.
Le serveur revient vite avec leur commande et Colt, il le remercie. « On prendrait bien un truc à manger, non ? » Il laisse son ventre parler pour le coup, Colt. Il prend ensuite sa bière en main et ne manque pas d’en prendre une gorgée. « Par contre la bière ici ne me manquera pas vraiment. » Qu’il lance en rigolant. « Et sinon, quoi d’neuf dans ta petite vie de pianiste ? » Il lui adresse un léger sourire, bien curieux d’en savoir un peu plus sur Rhys.

Spoiler:

Parenthèse salvatrice dont il ne pensait pas avoir besoin. Il se plaisait sur cette île, en compagnie de son jeune ami, Rhys. Ses doutes et ses protestations envolées, il avait finalement réussi à profiter de ce voyage dont il n’avait pas voulu. Ici, c’était comme si le temps était suspendu, comme si rien n’avait d’importance. Comme si rien ne pouvait l’atteindre. Pourtant, il savait que ce n’était qu’un moment de répit, que lorsqu’il reprendrait l’avion en sens inverse, il retrouverait sa vie telle qu’il l’avait laissée en embarquant. Chaotique, dénuée de sens et bancale. Le soleil des Maldives laisserait place à la grisaille du ciel de Weymouth ; et avec elle, la morosité qui n’avait cessé de le suivre depuis que son cœur s’était broyé. Une parenthèse, c’était ce que représentait ce voyage à ses yeux, et il voulait profiter de cette légèreté qui l’avait envahi, de ces instants qui adoucissaient ses peines. Parce qu’il ne reviendra pas, Rhys, il en était persuadé. Jamais il n’avait quitté son Angleterre natale, jamais il n’avait traversé l’océan. Il n’était pas de ceux qui rêvaient d’autres horizons, d’ailleurs. Il se contentait de ce qu’il avait, de cette ville dans laquelle il s’était construit. Et ça lui suffisait. Ça lui avait toujours suffi. Une parenthèse sans précédent qui ne se reproduirait pas. Étrangement, c’était ce qui rendait ces instants encore plus beaux ; savoir qu’ils seraient éphémères, mais qu’il en garderait un doux souvenir. Les paysages et l’ambiance de l’île n’étaient pas les seuls responsables de sa bonne humeur, la présence du barman y était aussi pour beaucoup. Il n’était pas certain qu’il aurait autant apprécié le voyage si son ami n’avait pas été à ses côtés. Ils n’avaient pas passé tant de temps ensemble depuis leur arrivée sur l’île, mais savoir qu’il le retrouverait le soir dans leur bungalow lui faisait plaisir. S'ils s'entendaient bien et passaient beaucoup de temps ensemble sur leur lieu de travail, ici, c’était différent. C’était agréable de pouvoir le découvrir en dehors du club, de laisser le côté bon enfant prendre le dessus. Sentiment fraternel qui l’envahissait lorsqu’ils se chamaillaient, comme ce soir. “Je ne suis qu’un pianiste de bar, je ne te promets pas une Rolex, mais le principal c’est qu’elle donne l’heure.” Rire léger qui quitta ses lèvres avant de laisser place à un faux air sévère suite à la remarque de son ami. “Tu devrais faire vérifier ta vue si tu vois des rides sur mon visage, je crois que t’as des hallucinations, gamin.” Sourire en coin ; ça lui faisait un bien fou, à Rhys, de partager ces instants avec le jeune homme. Moment d’insouciance comme ceux qu’ils partageaient, son frère et lui. Ça faisait longtemps, si longtemps, et ça lui avait manqué.

“Il faut bien que quelqu’un prenne soin de toi.” Déclara-t-il, amusé, alors qu’ils vinrent s’installer à l’une des tables du restaurant. Un sourire étira le coin de ses lèvres, il avait raison Colt, tout semblait simple dans ce cadre idyllique ; c’était presque irréel. Et peut-être que ça l’était en fin de compte, peut-être que tout n’était pas aussi simple qu’il n’y paraissait. Après tout, les touristes voyaient toujours les choses différemment que les habitants, et ce, où qu’ils se trouvent. “Je vois ce que tu veux dire. Je ne pense pas non plus que ça me plairait de rester vivre ici, c’est un lieu idyllique pour les vacances, mais…” Son regard parcourut la pièce et il haussa les épaules. “Je ne sais pas, je pense que ma ville me manquerait, Weymouth, c’est chez moi après tout.” Lui qui s’était toujours demandé ce que ça ferait de la quitter, il le savait à présent. Et s’il aimait pouvoir souffler et oublier, loin de ce qu’il appelait son chez lui, c’était là-bas qu’était sa place ; là où ses souvenirs étaient restés. Malgré les complications, les peines et la douleur que cette ville lui avait apportées, il n’en restait pas moins attaché. Le serveur vint déposer leur verres sur la table et ils le remercièrent. “Oui, je commence vraiment à avoir faim.” Il prit son verre et le leva comme pour trinquer avant d’en boire une gorgée. Un rire quitta ses lèvres. “Leur whisky n’est pas mauvais en revanche.” Son attention se reporta sur son ami et, face à sa question, il resta silencieux, peut-être un peu trop longtemps. Il ne savait pas quoi répondre, Rhys. Question banale qui pourtant lui demandait réflexion, bien conscient qu’il ne pouvait lui révéler ce qu’il avait au fond du cœur. “Pas grand chose. Un pianiste sans son piano n’a rien à raconter.” Il laissa échapper un petit rire, tentant une pointe d’humour. “Tu commences à me connaître, je ne suis pas du genre très sociable. Je m’enferme un peu dans ma routine, je crois que ce voyage, c’est le truc le plus excitant que j’ai fait depuis des lustres.” Dans un sens, c’était sans doute vrai. “Et toi, jeune homme, t’as sans doute une vie plus trépidante que la mienne ?” Demanda-t-il, un sourire taquin sur les lèvres.