Mouvements légers, aériens, sur les touches qu’il marquait de son empreinte soir après soir. Mélodie envoûtante, entêtante qui le transportait dans un ailleurs, un monde meilleur, loin de ses tourments et de ses dilemmes intérieurs. Il se laissait transporter, le pianiste, par le son de ses propres mélodies, se laissait aller à la nostalgie qu’elles véhiculaient, au bien être qu’elles lui procuraient. Parce que lorsqu’il jouait, il se perdait dans les abîmes de son cœur, là où il gardait tous ses secrets, ceux qu’il n’osait partager. Là où se mêlaient les souvenirs qu’ils chérissaient, qu’il refusait d’oublier. Esprit qui s’éloignait pour ne penser qu’au meilleur, qu’aux souvenirs qui réchauffent le cœur. Un rire, un sourire ; souvenir teinté de douceur. Rappel dont il avait besoin pour ne pas sombrer, pour ne pas laisser les ténèbres l’emporter. Il avait décidé de résister, de se relever pour ne plus laisser la vie l’accabler. La conscience s’était réveillée amenant avec elle son lot de doutes et d’incertitudes. L’impression de ne pas prendre le bon chemin ; le choix de la vengeance plutôt que celui du pardon. Le bien et le mal. Notion qui lui paraissait subjective lorsqu’il pensait au mal que lui avait fait cette femme sans en avoir conscience. Dilemme qu’il portait, seul, sur ses épaules. Perdu dans ses pensées, dans ses propres réflexions, le cœur toujours mitigé face au choix qu’il avait fait. Celui de continuer, malgré tout, parce qu'il n’avait fallu que d’un pas dans sa direction pour qu’il chasse d’un revers de main les doutes qui l’avaient envahi. Un premier pas de la brune pour lui rappeler ce qui l’avait amené sur ce chemin, la raison pour laquelle il avait sombré. Et il ne pouvait reculer, il n’en avait pas le droit. Les applaudissements retentirent dans la salle, le sortant de ses pensées. Il leva la tête, un léger sourire aux lèvres, avant de se lever, se dirigeant vers le bar où son verre l’attendait, comme chaque soir. Routine dont il s’était accommodé, le pianiste. Semblant de vie normale auquel il s’accrochait. Parce qu’il n’avait pas besoin de plus pour se sentir bien, se sentir à sa place. Mais le sentiment s’évaporait toujours lorsqu’il quittait la scène, lorsque ses doigts se détachaient du piano. Il bu une gorgée d’alcool avant de se diriger vers la porte de derrière. Il avait besoin de prendre l’air, de s’évader quelques instants avant de revenir divertir les habitués. Il glissa sa main dans la poche de sa veste pour en sortir son téléphone, un sourire venant se dessiner sur le coin de ses lèvres à la vue du prénom affiché sur l’écran. Alba. Fantôme de son passé venu retrouver le chemin de ses bras, de ses draps. Douce étoile venue illuminer son ciel. Il ne pensait pas retomber Rhys, replonger dans une histoire qu’il pensait terminée. Il avait pourtant cédé aux baisers de la poupée, aux caresses de l’astre. Tendresse dont il avait besoin, le brun. Contact qui lui avait cruellement manqué cette dernière année. Parce qu’il avait préféré s’éloigner, s’effacer pour ne pas avoir à partager ce poids qui lui compressait la poitrine. C’était plus facile d’être seul. Du moins, il avait tenté de s’en persuader. Il écouta le message vocal laissé sur son répondeur, son sourire s’effaçant doucement au son de la voix tremblante à l’autre bout du fil. J’ai besoin de toi, viens s’il te plaît. Coeur qui vint se serrer dans sa poitrine, impression étrange. Elle n’avait jamais rien demandé, Alba. Jamais sollicité son aide, pas une seule fois. Alors il savait. Il savait que c’était important si elle lui demandait de la rejoindre. Son regard s’attarda quelques secondes sur l’entrée du bar où il était attendu, mais il ne prit pas la peine de prévenir de son absence, s’éloignant pour rejoindre sa voiture. Il conduisit jusqu’à l’adresse indiquée, le palpitant en alerte. Il ignorait ce qu’elle avait, pourtant, il ne pouvait s’empêcher de s'inquiéter. Parce qu’elle comptait, Alba. Parce qu’elle avait toujours compté, au fond. Le point de rendez-vous atteint, il cherchait du regard celle qui lui avait demandé de l’aider. Il espérait ne pas être arrivé trop tard, Rhys. Il espérait qu’elle l’avait attendu. Souhait exaucé, il le savait, lorsque son regard vint se poser sur la silhouette de l’astre perdu. “Alba.” Un murmure dans la nuit. Elle semblait différente, la danseuse, assise seule sur ce muret, le regard perdu vers l’obscurité. Ame ébréchée, il le voyait lorsqu’il était à ses côtés. Il l’avait vu, le soir de leurs retrouvailles. Mais il avait préféré se taire ; silence qu’il comprenait que trop bien, lui qui ne partageait rien. Il s’approcha et vint s’agenouiller face à elle. “Je suis là.” Souffla-t-il en venant poser une main sur son genou. Je suis là si tu as besoin de moi, Alba.

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L’esprit éclaté, un peu trop enivré, la simple envie d’oublier s’est transformée en un cauchemar répété. L’alcool devait l’aider, devait être salutaire, son meilleur ami pour se détacher de sa peine et de sa peur – mais il l’enfonce, l’entraîne dans une vision floue, à voir et revoir encore ce visage juste devant ses yeux, celui de son bourreau. Elle sait, la ballerine, qu’il n’est pas vraiment ici, qu’il n’est pas vraiment présent à cette soirée, mais elle le voit, elle le sent encore sur elle, une sensation qui paralyse ses sens, qui lui glace le sang. Elle aimerait simplement que cela s’arrête, que tout s’arrête, qu’il disparaisse définitivement de ses pensées mais aucun remède miracle ne semble se présenter. Le plaisir à danser s’évade, lentement, au fil des jours, des semaines, des mois. Et tu ne prends plus non plus de plaisir en restant à cette soirée, Alba, tu te sens définitivement seule, plongée dans l’obscurité, les ténèbres, incapable d’en sortir. Incapable de s’élever, un peu plus haut, dans la quiétude et dans la paix. Perdue, l’étoile, le corps titubant, à la recherche d’une sortie – et si sa mère la voyait, ainsi, complètement alcoolisée, elle aurait certainement bien honte d’elle. Elle y pense aussi, ce soir, au poids de cette famille contre ses frêles épaules. Alors, une fois dehors, la tête sous les étoiles, elle se pose sur le premier muret venu, l’esprit évadé. Jusqu’à lui. Rhys, comme une fatalité qui revient fréquemment hanter ses pensées, bien plus encore, depuis qu’ils se sont revus, depuis qu’ils ont recraqué, l’un pour l’autre. Une nuit magique, gravée en elle, qui a su pour une fois lui apporter un peu de bonheur, un moment de douceur dont elle avait tant besoin. Rhys, ce soir encore, c’est à lui qu’elle songe – parce qu’il n’est pas n’importe qui, il est important pour elle et certainement que ses sentiments à son égard sont plus forts qu’elle ne le voudrait. Elle l’appelle, message faiblard laissé sur sa messagerie, lui demandant de venir. Au fond, elle doute, elle ne sait pas s’il viendra, s’il n’a pas mieux à faire que de perdre son temps avec elle, si cette nuit n’était pas une erreur à ses yeux, ou juste un moment d’amusement. Le temps lui semble long, elle est perdue, seule – et puis soudainement, un visage plus beau, plus doux, se dessine sous son regard. Rhys est là. « Tu es venu… » Ses phalanges glissent faiblement contre les épaules de Rhys, prenant le temps de contempler ses traits, de plonger dans son regard, d’épouser ses sens. « Merci… » Une fois de plus, son cœur bat pour lui – plus encore alors qu’il répond à son appel à l’aide, qu’il se montre présent sans même prendre le temps de réfléchir. Et, dans un acte incontrôlé mais désiré, ses lèvres viennent doucement se poser contre les siennes, l’embrassant comme autrefois.

Inquiétude naissante au fond de sa poitrine, comme un étau venant resserrer sa prise sur son palpitant endolori, il se sentait pris de vertige, Rhys, prisonnier de cette sensation qu’il était plus habitué à fuir qu’à affronter. La peur. La peur d’arriver trop tard, de ne pas être là, de voir partir une personne à laquelle il s’était finalement attaché. Soulagement, pourtant, lorsque son regard vint se poser sur l’astre brisé, sur sa silhouette perdue au coin d’une rue. Elle était là, Alba. Elle avait attendu. Doux sourire sur ses lèvres lorsque son regard vint croiser le sien. “Bien sûr.” Comme s’il n’y avait pas d’autre issue possible, d'autres réponses à apporter. Evidemment qu’il était venu. Pour elle, il viendrait toujours. Elle n’avait qu’à demander, qu’à réclamer sa présence pour qu’il vienne la retrouver. Sans doute qu’elle l’ignorait, Alba, à quel point elle comptait pour lui. Sans doute qu’elle n’avait pas idée de ce qu’il ressentait pour elle. Sentiments plus forts qu’il ne le montrait, il était pourtant plus attaché à elle qu’il ne le devrait, plus attaché qu’il ne se le permettait. Et lorsque ses lèvres vinrent se poser sur les siennes, son palpitant manqua un battement. Douce caresse qui le ramenait à ces nuits passées à ses côtés. A ce temps où la vie lui paraissait plus simple. Comme un rappel de ce qu’ils étaient avant que tout ne s’écroule, avant que son cœur écorché la tienne éloigné de sa vie. Amants passionnés devenus amants brisés. Rhys, il n’avait pas cherché à l'écarter complètement de sa vie, il voulait simplement arrêter avant de le regretter, avant que tout ne soit gâché, parce qu’il y avait cette petite voix dans sa tête qui lui soufflait que c’était risqué de s’attacher, que les personnes auxquelles il s'accrochait finissaient toujours par partir. Alors il avait imposé cette distance, volontairement, tout en lui promettant d’être toujours là pour elle ; promesse oubliée lorsque son cœur s'était noirci, emplit de haine. Mais à présent, il voulait tenir cette promesse. Plus encore maintenant qu’il l’avait retrouvée, maintenant qu’elle semblait avoir besoin d’être épaulée. Ses lèvres quittèrent celles de la ballerine et son regard vint chercher le sien. “Dis-moi ce qui ne va pas.” Demanda-t-il, dans un murmure, ses doigts venant caresser doucement la joue de la danseuse. Parle-moi. Il n’avait pas osé, Rhys, demander ce qui occupait ses pensées, ce qui la hantait, lorsqu’ils s’étaient retrouvés. Ils avaient tous les deux leurs secrets, des choses qu’ils n’osaient pas partager. Pourtant, il avait remarqué à quel point elle semblait troublée, changée. Lueur différente qui dansait dans son regard, comme si quelque chose s’était éteint au fond d’elle. Il avait été absent si longtemps, il s’en rendait compte. Tant de choses avaient changé depuis que leur bulle avait éclaté, depuis qu'il avait disparu. Et, à présent, il était temps de rattraper le temps perdu. Il était temps qu'il soit là pour elle.  

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Les lèvres se mêlent, s’épousent, d’un naturel presque déconcertant – parce qu’officiellement, ils ne sont rien l’un pour l’autre, ils ne sont pas un couple et ne sont même plus amants. Un néant que la ballerine refuse néanmoins, besoin de lui, besoin d’être près de lui, le sentiment qu’une part de Rhys coule encore dans ses veines, comme si elle n’était pas capable de s’en détacher. Rhys, ses pensées ne se sont pas perdues bien longtemps avant de l’imaginer, de rêver de ses bras pour venir la tirer de l’obscurité, de ses lèvres pour lui procurer le plus intense des baises, de ses mots pour l’envelopper de cette douceur plus si éphémère. Il avait disparu et maintenant, il est revenu – alors, elle refuse, Alba, de le laisser repartir, disparaître de nouveau de sa vie, s’enfuir en la laissant plantée là, dans ce monde de fous. Tu ne regrettes pas une seconde de l’avoir appelé, lui, Alba, plus encore lorsque t’entends avec quelle évidence il s’est précipité jusqu’à toi – preuve, peut-être, que vous partagez les mêmes sentiments l’un pour l’autre. Que, tous deux, vous ne souhaitez plus être séparés. Sa caresse contre sa joue l’enivre, ses mains se resserrent contre lui, contre ses épaules, alors qu’à sa question, elle se sent bien incapable de répondre. Dans un élan de courage, elle se prend, l’étoile, à balbutier quelques mots. « Je… Je n’me sens pas bien… » Il n’est pas question d’ivresse, pas seulement, mais bien de son foutu esprit qui lui joue des tours, qui l’oppresse, la brise, la transforme en cette petite chose vulnérable – semi-cassable. La remarque est bête, parce qu’il le voit bien, que t’es pas dans ton état normal, Alba, mais qu’est-ce que tu pourrais bien dire de plus, hein ? « Tu peux m’emmener quelque part, s’il te plait… Loin… Loin d’ici… » Son regard suppliant quémande sa présence, ne désire qu’être en sécurité, protégée de sa présence, de son aura qu’elle aime tant. « Où tu veux… » Tant qu’ils sont ensemble, tant qu’ils sont tous les deux – elle ne demande rien de plus que lui, ce soir, Alba. Ne demande rien de plus que ses mains contre elle, pour lui faire ressentir le désir, la tendresse, comme avant. Pour l’aider à oublier l’horreur, les maux, le mal qui la ronge – les souvenirs qui torturent son âme. Plus capable de respirer correctement, chaque fois qu’elle pense à lui, son bourreau. Mais Rhys, il n'évoque que de beaux souvenirs, que de beaux sentiments, en elle.

Elle avait toujours été comme une bouffée d’air frais dans sa vie, Alba. Petit rayon de soleil qui réchauffait son cœur lorsque leurs corps s'entremêlaient dans une danse qu’ils étaient les seuls à partager. Lien indéfinissable qui les unissait l’un à l’autre. Elle était son secret, il était le sien. Relation cachée, jamais révélée. Sans réelle raison. Pourtant, ils avaient toujours su que c’était mieux ainsi. Mieux de vivre cette histoire sans le regard des autres. Mieux de rester dans cette bulle protectrice qu’ils avaient créée. Et s’il ignorait ce qu’ils représentaient l’un pour l’autre, ce soir, alors qu’il goûtait de nouveau ses lèvres, il sentait renaître ce lien unique. C’était comme si elle avait regagné cette place qui était restée vide depuis qu’il l’avait quittée. Soudain, la vie semblait reprendre son cours. Tout semblait revenir à la normale, comme si le passé rattrapait le présent. Mais il savait, au fond de lui, que tout ceci n’était qu’une illusion. Plus rien n’était pareil. Ils avaient changé, tous les deux. Son cœur s’était assombri, durci face au deuil qu’il ne parvenait à surmonter. Facette qu’il refusait de dévoiler à la ballerine, facette qu’il assumait difficilement. Le regard plongé dans celui de l’astre, il ne pouvait s’empêcher de se demander ce qui s’était brisé en elle. Cet appel à l’aide raisonnait en lui comme une sonnerie d’alarme, il faisait écho à ce mal-être qu’il percevait chez la jeune danseuse. Et ses propos vinrent appuyer cette pensée. Elle n’allait pas bien, Alba. Il voulait l’aider, mais il ignorait comment faire, comment lui apporter un peu de réconfort alors qu’il n’avait que sa présence à lui offrir. Il se sentait impuissant, Rhys, face au regard perdu de la brune. Impuissant face aux maux inconnus qui tourmentaient la ballerine. Un hochement de tête face à sa requête. L’emmener loin d’ici, loin de ce qui la hantait. Je ferai n’importe quoi pour que tu puisses retrouver ce doux sourire que j’aime tant. N’importe quoi pour la voir aller mieux. En silence, il se redressa, attrapant sa main pour l’aider à se lever et dans un élan, il vint la prendre dans ses bras. S’il n’avait pas les mots pour la réconforter, il avait ses bras pour l’enlacer, lui faire comprendre qu’il était là pour la protéger, peu importe les démons qui l'effrayaient. Il voulait qu’elle sache qu’elle pouvait compter sur lui, quoi qu’il arrive. Doucement, il vint poser un baiser sur son front et son regard glissa de nouveau vers le sien. “Je te ramène à la maison.” Chez lui. Loin de cette rue mal éclairée, loin de ce lieu où elle s’était réfugiée et qui n’avait fait qu’aggraver sa détresse. Il l'emmenait en sécurité, là où il pouvait veiller sur elle. “Viens.” Souffla-t-il en l’entraînant jusqu’à sa voiture.  

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Entourée de sa présence, de sa chaleur, elle retrouve un peu de contenance, la ballerine – ce n’est plus son corps qui virevolte mais bien son cœur, à ses côtés. Son cœur qui bat la chamade intensément avec Rhys, ou, plutôt, pour Rhys. Comme s’ils se retrouvaient à l’image d’un autrefois inoubliable, d’un coup de foudre réciproque, d’une alchimie telle qu’ils n’ont su s’en défaire. D’abord des regards, des sourires, et puis les pulsions assouvies, les langues déliées, ils ont appris à se connaître et à s’aimer – d’une manière particulière, d’une manière rien qu’à eux, qu’ils ne sauraient peut-être décrire mais qui existe. Et elle se trouve-là, la magie de leur relation, de s’aimer sans étiquette, sans y mettre les mots et de façon si inconditionnelle qu’Alba se tourne vers lui comme si l’absence était entièrement effacée. Comme s’ils ne s’étaient jamais quittés. Tu tiens à lui, plus que tout ce que t’imaginais, lors de votre première rencontre, Alba. Tu tiens à lui, et sentir qu’il tient à toi de la même manière te bouleverse l’âme. Ce soir, elle lui demande de l’aider, elle lui demande de la protéger, elle lui demande de l’aimer, de tout son cœur, avec entièreté, et Rhys ne rechigne pas, n’abandonne pas devant la difficulté. Rhys reste là, près d’elle, la protège d’elle-même, de ses propres démons – certainement sans le comprendre, sans imaginer qu’elle se débat avec quelque chose de bien plus grand qu’une crise alcoolisée. D’un geste, elle attrape la main de Rhys qui la relève, qui l’enlace de ses bras et ses paupières se ferment à son contact – ses bras salvateurs lui donnent l’envie de s’effondrer contre lui. « Oui… Merci… » Chez lui, un nirvana temporaire qui viendra panser ses plaies, ses blessures ouvertes qui saignent encore, qui risquent d’éclabousser aussi cet homme qui gagne de plus en plus de terrain en elle, dans son cœur. Sans le lâcher une seule seconde, l’étoile approche la voiture, s’y installe en silence, laissant Rhys prendre le contrôle de la situation.
Le voyage se fait silencieux, les minutes défilent et elle se projette ailleurs, l’esprit qui divague quand elle ne contrôle plus rien. Jolie poupée s’en remet à lui, pour la guérir, pour lui offrir toute sa tendresse au point de l’évader de sa propre peine. La voiture se stationne devant chez lui, Alba s’extirpe de l’habitacle et retrouve les bras de Rhys, s’y glissant comme s’ils étaient nécessaires à sa survie, comme si elle avait besoin de sa présence pour respirer correctement - et peut-être, au fond, que c’est le cas. « Tu n’imagines pas à quel point tu comptes pour moi… Comme je suis heureuse de t’avoir retrouvé… » Qu’elle souffle, comme un murmure, se laissant entraîner avec lui à l’intérieur, dans l’intimité – enfin. Plus personne hormis lui ne peut désormais la voir, l’observer, la juger – elle est mise à nue, dans toute sa vulnérabilité, mais simplement pour Rhys.

Instinct protecteur réveillé au contact de l’astre abîmé. Sensation étrangère qu’il avait longtemps refoulée, mise de côté. Par peur, peut-être même par lâcheté. Parce que l’inquiétude était liée à l’attachement, et que l’attachement finissait toujours par se rompre. Souffrance qu’il ne voulait plus connaître, le pianiste. Souffrance qu’il refusait d’endurer, une fois de plus. Trop difficile à supporter. Et pourtant, lorsqu’il posait les yeux sur la ballerine, il ne pouvait continuer de se mentir à lui-même, de refuser de voir ce lien qui les unissait. Invisible, indestructible. Malgré les mois passés, malgré son silence, malgré tout, elle était là, comme s’il n’était jamais parti. Comme s’il ne l’avait pas laissé seule. Elle était là, près de lui, et il n’y avait que de la douceur dans son regard lorsqu’elle le posait sur lui. Il ne décelait rien d’autre, Rhys. Aucun reproche, aucune rancune. Elle se trouvait près de lui et c’était comme s’ils retrouvaient cette bulle qu’ils avaient quittée en se promettant de ne jamais réellement s’éloigner. Promesse que j’ai oublié de tenir. Et si elle ne lui en voulait pas, Alba, il regrettait, Rhys, de n’avoir su tenir cette promesse. De n’avoir pu être là pour celle qui parvenait à réchauffer ce cœur froid, distant. Et dans la noirceur de la nuit, il se promettait à lui-même de ne plus l’abandonner comme il l’avait fait. De ne plus la laisser, sans ses bras pour la protéger. Parce qu’elle était trop précieuse Alba, trop précieuse pour la laisser s’égarer encore une fois. Trajet silencieux qui les emmenaient loin d’ici, jusque chez lui. Le regard qui vint se perdre, quelques secondes, sur la silhouette assise à ses côtés. Il aurait aimé deviner ses pensées, lire en elle, rien qu’une seule fois. Juste pour pouvoir t’aider, Alba. Juste pour pouvoir la sauver de ce mal qui la rongeait.    

Voiture garée devant son appartement, il fit le tour pour venir lui ouvrir la portière, le palpitant battant plus fort lorsqu’elle vint se caler entre ses bras, place qui avait été la sienne durant des mois. Il vint poser sa tête contre celle de l’étoile, son âme apaisée lorsqu’il se trouvait à ses côtés. Douceur de l’étreinte qui lui rappelait pourquoi il avait tant aimé leurs moments partagés, en secret. Dans ce monde qui était le leur. Cet univers qui leur appartenait. Son cœur loupa un battement aux mots prononcés. Confession à laquelle il ne s’attendait pas, le damné. Paroles qui jamais ne lui avaient été destinées. Touché par cet aveu, plus encore, car c’était elle qui l'avait prononcé. Son astre, sa douce poupée. Un baiser pour toute réponse, parce qu’il était plus doué avec les gestes qu’avec les mots, Rhys. Parce qu’il savait qu’elle comprendrait qu’il tenait lui aussi à elle, plus qu’il ne l’avait jamais laissé entendre. Plus qu’il n’oserait jamais le lui dire. Sentiments qui l'effrayait, lui qui ne s’était jamais permis d’aimer. Et pourtant, avec elle, il osait s’éloigner de cette zone de confort dans laquelle il restait. Il osait ouvrir son cœur au risque de souffrir. Parce que c’est toi, Alba. Il n’y avait pas besoin d’explication, pas besoin de mots superflus. C’était différent avec elle ; elle avait su toucher son âme, plus que n’importe qui. Et dans un moment de courage, une confession qu’il ne pensait pas capable d’énoncer à voix haute. “Tu comptes énormément pour moi.” Mots libérateurs, salvateurs. Elle devait savoir ce qu’il ressentait, l’entendre de sa voix, sans avoir à le deviner sous les sourires qu’il affichait, les caresses qu’il lui offrait. Tu dois savoir ce que je ressens au fond de moi. Doux sourire qui vint étirer ses lèvres alors qu’il l’invitait à entrer dans l’immeuble, l’entrainant dans son appartement sans jamais lâcher sa main. Sans jamais la quitter.  

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